La succession écologique est un processus naturel d’évolution d’un milieu depuis un stade initial vers un état mature, stable et résilient. Il en existe en réalité deux sortes, la succession primaire et secondaire. Elles sont différenciables par leur point de départ.
La succession écologique primaire a lieu lorsqu’il n’y a pas de sol, sur un support principalement rocheux. Les premiers organismes vivants à s’exprimer sont alors les bactéries, les champignons et les lichens.
Nous nous intéresserons ici à la succession secondaire, elle est à l’œuvre après qu’un système mature, par exemple une forêt fermée, ait été perturbé au point de laisser le sol à nu. S’enclenche alors une succession végétale visant à restaurer le système stable qui existait précédemment.
Nous sommes sur un sol nu, terrain très hostile et stade initial de cet article. La température en surface peut facilement atteindre les 60°C en été et la terre gèle en hiver. Les vents sont forts et très asséchants.
Seules les plantes annuelles sont capables de profiter des quelques mois favorables pour réaliser l’intégralité de leur cycle de développement et produire des graines viables pour coloniser le milieu. Le sol se couvre alors de tapis d’herbacées annuelles, la température de surface diminue fortement en été grâce à la couverture végétale et à son évapotranspiration. Le chevelu racinaire des plantes annuelles structure et aère les premiers centimètres du sol ce qui permet de relancer la vie bactérienne aérobie indispensable à la santé de l’écosystème. La mort de ces plantes chaque année et leur décomposition dans le sol crée une sorte de paillage nutritif propice à l’apparition des plantes bisanuelles.
Avec leurs puissantes racines pivot, les bisannuelles décompactent le sol et créent toujours plus de matière organique. Elles puisent l’eau plus en profondeur pendant l’été et passent l’hiver en stockant leur énergie dans leur racine bien à l’abri sous terre. Ce sol est toujours plus poreux et fertile grâce à la chute des feuilles et à la décomposition des racines.
Apparaissent les herbacées vivaces qui subsistent plusieurs années ainsi que les buissons et arbustes épineux. Avec eux, le terrain commence à prendre de la verticalité et ils annoncent l’arrivée des premiers arbres. Ce n’est pas pour rien que les buissons de ronces sont appelés les berceaux des arbres. A l’intérieur, pas de dessèchement par le vent, pas de brûlure par le soleil, pas d’abroutissement par les chevreuils, un sol frais et recouvert de feuilles. Un abri idéal pour la germination de la graine et la croissance d’une jeune arbre pionnier.
Ces arbres n’auront aucune difficulté à s’élever depuis l’intérieur du buisson et atteindre plusieurs dizaines de mètres. Ce sont des espèces de lumière, plutôt résistantes au vent et avec une durée de vie dépassant rarement les 150 ans. Nous sommes dans une jeune forêt à l’intérieur de laquelle il n’y a plus de vent, peu de soleil direct, une atmosphère humide et un bel humus composé des millions de feuilles qui tombent au sol chaque année. Les conditions sont réunies pour l’émergence des espèces les plus durables : les arbres climaciques. Ces essences d’ombre et dotées d’une très grande longévité vont refermer la forêt qui aura alors atteint sont climax : l’état le plus stable et résilient.
Il existe aujourd’hui une théorie selon laquelle les forêts fermées ne seraient pas le paysage le plus naturel sous nos climats. Depuis des centaines d’années, l’être humain s’est efforcé de sortir les grands herbivores de l’équation. Aurochs, tarpans, bisons et autres géants végétariens sont aujourd’hui disparus de nos contrées et avec eux la pression qu’ils exerçaient sur les arbres. On pourrait alors facilement imaginer les milieux naturels originels comme beaucoup plus ouverts que ce que nous le pensions jusqu’alors.